Le Qatar, ce géant de l’immobilier parisien
Derrière les façades prestigieuses de la capitale française se cache l’un des plus grands propriétaires immobiliers étrangers : l’émirat du Qatar.
Le Qatar est peut-être un petit émirat par sa superficie, mais ses ambitions expansionnistes dépassent largement ses frontières, jusqu’en France notamment, où il contrôle l’un des patrimoines immobiliers étrangers les plus conséquents.
Selon une enquête publiée le 6 novembre par Franceinfo, la monarchie du Golfe possède 71 immeubles à Paris et 158 bâtiments dans l’ensemble du pays. Le fleuron de cet empire foncier se trouve sur les Champs-Élysées, souvent présentés comme « la plus belle avenue du monde ».
Sur ce tronçon long d’environ 1,3 kilomètre, plus de 390 mètres de façades appartiennent, d’après l’analyse des cadastres menée par Le Monde, à l’État qatari, à des familles influentes ou à des fonds d’investissement du pays.
En façade, aucun nom qatarien n’apparaît dans les documents officiels, mais en remontant la chaîne de participations, on constate que toutes ces sociétés sont contrôlées par des intérêts venus de Doha, voire par la famille Al-Thani elle-même.
Un cadeau fiscal de Nicolas Sarkozy
Cette présence massive se matérialise par la prise de contrôle d’immeubles symboliques, comme l’ex-Virgin Megastore du 52 Champs-Élysées – racheté en 2012 par le fonds souverain Qatar Investment Authority pour plus de 500 millions d’euros – ou encore l’îlot du 103–111 Champs-Élysées, acquis auprès de HSBC pour 440 millions d’euros en 2010.
Ces acquisitions spectaculaires, portées par la promesse de rendements élevés sur la pierre parisienne, ont été facilitées par un cadre fiscal particulièrement favorable.
Ainsi en 2008, Nicolas Sarkozy, alors président, signe un accord bilatéral avec Doha, officiellement destiné à encourager les échanges économiques entre les deux pays. Mais ce texte comporte une clause clé : l’exonération des investisseurs qataris d’impôt sur les plus-values immobilières réalisées en France.
Illustration avec l’hôtel Lambert, ce joyau du classicisme français au cœur de Paris. Ce somptueux édifice de 4 000 mètres carrés a été acheté puis revendu par un prince du Qatar à l’homme d’affaires français Xavier Niel. Après d’importants travaux, la plus-value est estimée à 100 millions d’euros selon les informations recueillies par Franceinfo.
Des critiques tous azimuts
Dans un régime fiscal ordinaire, un propriétaire français aurait dû verser au minimum plusieurs millions d’euros au titre de l’impôt sur cette plus-value. Pour un investisseur qatari, la facture est en revanche nulle.
De fait, nombreux sont ceux qui dans la classe politique française toutes obédiences confondues dénoncent ce qu’ils considèrent comme un privilège injustifié accordé à l’un des pays les plus riches du monde. D’autant qu’une source proche du dossier reconnaît auprès de Franceinfo que les autorités françaises n’ont jamais chiffré précisément le manque à gagner budgétaire lié à cette « ristourne fiscale ».
Pour Henry Guaino, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, ce régime de faveur s’apparente toutefois à une contrepartie assumée en échange des capitaux venus de Doha. « C’est un privilège fiscal en contrepartie des investissements. Ce n’est pas un privilège fiscal gratuit, ce n’est pas pour faire plaisir à l’émir du Qatar« , argumente-t-il.
