Taxe Zucman : autopsie d’un tourbillon fiscal
La proposition d’imposition minimale sur le patrimoine des plus grandes fortunes françaises, portée par l’économiste Gabriel Zucman, divise autant qu’elle fascine. Décryptage.
Alors que les finances publiques de la France se dégradent au risque d’hypothéquer les perspectives d’investissement de l’État, la taxe Zucman apparaît comme une piste de solution.
Son concepteur, Gabriel Zucman, économiste de 38 ans et directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité, propose un prélèvement annuel minimum de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros.
« Si aujourd’hui vous payez zéro, vous devrez payer le complément pour arriver à 2%. Si vous payez déjà un peu, vous paierez un peu moins que 2% », résume cet ancien élève de Thomas Piketty à Normale Sup, dont la mesure part d’un constat aussi simple que choquant à certains égards.
En effet, selon une étude récente de l’Institut des politiques publiques (IPP), les milliardaires français paient deux fois moins d’impôts que le Français moyen, grâce notamment à un mécanisme peu connu du grand public : le placement de leurs revenus dans des holdings, qui échappent ainsi à l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
Un dispositif qui rompt avec l’ISF et l’IFI
« Vous et moi, si on touche des salaires ou des dividendes, on paie des impôts. Mais un ultra-riche comme Bernard Arnault, qui a touché 3 milliards d’euros de dividendes l’année dernière ? Pas d’impôt sur le revenu. Ces 3 milliards ne sont pas fiscalisés« , explique Zucman, alors que la fortune des ultra-riches ne fait qu’augmenter.
En 1996, les 500 plus grandes fortunes françaises possédaient l’équivalent de 6% du PIB. Aujourd’hui ? 42% du PIB. Leur fortune augmente en moyenne de 10% par an. « Si vous avez 1 milliard aujourd’hui, à la fin de l’année, vous aurez 1 milliard 100 millions », détaille l’économiste.
La taxe Zucman s’appliquerait à l’ensemble du patrimoine, y compris les « biens professionnels » comme les actions d’entreprise, précisément là où se concentre l’essentiel de la richesse des milliardaires.
Une bataille des chiffres
Environ 1 800 foyers fiscaux seraient concernés, pour des recettes estimées entre 15 et 25 milliards d’euros par an. Soit près de dix fois le rendement actuel de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui a remplacé l’ISF et rapporté 2,2 milliards d’euros en 2024.
Mais ces estimations optimistes sont loin de faire l’unanimité. Dans une tribune publiée dans Le Monde, sept économistes ont jeté un pavé dans la mare en ramenant les recettes potentielles à seulement 5 milliards d’euros annuels.
Cette estimation basse s’appuie sur les conclusions d’un rapport du Conseil d’analyse économique (CAE) qui, après analyse de plusieurs comparaisons internationales, table sur un rendement effectif de 0,25 euro par euro espéré.
Mais pour Zucman, comparer sa taxe avec l’ISF danois – comme le fait l’étude du CAE – relève de l’erreur méthodologique. Au cœur de cette bataille de chiffres se cache la crainte de voir les milliardaires partir sous des cieux fiscaux plus cléments.