En Allemagne, la Bourse a le vent en poupe
La première économie d’Europe retrouve le goût de l’investissement boursier, dans un mouvement qui pourrait transformer l’avenir du pays.
Longtemps réfractaires à la Bourse, les Allemands sont de plus en plus nombreux à adopter ce mode d’investissement, avec plus de trois millions de nouveaux investisseurs depuis 2022, selon une enquête de BlackRock citée par Bloomberg.
Cela représente la plus forte progression en Europe après la Grande-Bretagne. Le marché allemand enchaîne par ailleurs sa troisième année de hausse consécutive, avec des gains supérieurs à 20% en 2025.
Parallèlement, le nombre d’Allemands détenteurs d’actions a bondi de 44% en une décennie, et les actifs des fonds négociés en Bourse (ETF) ont explosé de 200% depuis 2017 pour atteindre 343 milliards d’euros.
Ce regain d’intérêt pour les titres boursiers tranche avec la réticence légendaire des Allemands vis-à-vis de ce type d’investissement. Peuple d’épargnants par excellence, l’Allemagne se caractérise par une approche conservatrice de l’épargne, de nombreuses personnes privilégiant les placements bancaires.
Une évolution sociétale sous influence
Les ménages gardent ainsi 37% de leurs actifs en épargne bancaire, soit quatre fois plus qu’aux États-Unis et sept points de plus qu’en France, selon Bloomberg. « La blague, c’était qu’il était plus facile de casser des pierres en Allemagne que de vendre des actions« , raconte Heiko Thieme dans les colonnes du quotidien américain.
Aujourd’hui âgé de 82 ans, cet ancien courtier et gestionnaire de fonds ayant travaillé chez Deutsche Bank assiste avec enthousiasme à ce mouvement sociétal vers la Bourse. Portée par un changement de mentalité, cette évolution s’opère avec la participation de divers acteurs sur les réseaux sociaux.
« Nous commençons à avoir de l’influence sur la jeune génération« , confie Thieme, reconverti en influenceur sur Instagram où il compte 190 000 abonnés. Les forums Reddit comme r/finanzen et les campagnes publicitaires rivalisent de messages destinés à inciter les gens à investir en Bourse.
« On n’obtient aucun rendement décent avec un compte bancaire« , affirme Ursula Huber, 37 ans, qui s’est lancée dans l’investissement en actions après des années de taux d’intérêt au plancher, inspirée par Madame Moneypenny, un site web qui encourage les femmes à prendre en main leurs finances.
L’urgence démographique : investir ou subir
Derrière cette nouvelle donne se joue l’avenir économique de l’Allemagne. Avec une population vieillissante rapidement – d’ici 2050, il y aura presque un retraité pour deux travailleurs –, le pays doit impérativement diversifier ses sources de financement des retraites.
« C’est nécessaire pour combler le manque systémique de financement des start-ups et des entreprises en phase de croissance, et c’est crucial pour alimenter un cercle vertueux sur le marché des capitaux« , explique Arun Sai, stratégiste senior chez Pictet Asset Management, interrogé par Bloomberg.
« Débloquer l’investisseur particulier est l’une des clés pour revitaliser l’économie allemande« , ajoute-t-il. L’enjeu est désormais de faire progresser cet élan, alors que les ménages allemands conservent encore 37% de leurs actifs en épargne bancaire, soit près de quatre fois le niveau américain.
