L’archipel des milliardaires
Dans ce microcosme très fermé, les plus fortunés s’offrent leur propre territoire maritime, jonglant entre rêves d’insularité et réalités réglementaires. Découverte de quelques cas en France où il. existe jusqu’à 200 îles privées.
Le 24 mai dernier, l’île du Loch située au large du Finistère était propulsée sur le devant de la scène par une mobilisation d’un collectif antifasciste et écologique contre Vincent Bolloré. Un moment que le milliardaire breton n’a pas dû apprécier, même si les manifestants ont été entravés par la force publique.
Comme l’industriel et magnat des médias, plusieurs dizaines de personnes détiennent une île en France, principalement au large de la Bretagne. Si le désir de vivre loin de tout est commun – et presque une condition – à tous ces détenteurs, les motivations pour acquérir un tel patrimoine varient d’une personne à l’autre.
« Certains rêvent de Ferrari, moi, je voulais mon île privée », confie au Monde Jean-Marie Tassy-Simeoni, entrepreneur né à Bastia et propriétaire depuis 2020 de l’île d’Aval. Un espace de six hectares acquis pour une somme comprise entre deux et trois millions d’euros.
Le quinquagénaire, ancien patron d’une agence de communication particulièrement fier de son bien, fait partie des rares privilégiés à pouvoir posséder une île.
Un marché aux règles atypiques
En effet s’il est impératif d’être riche, cela ne suffit pas pour l’acquérir. Car ces espaces de terre changent rarement de mains – à peine un ou deux par an – et se transmettent le plus souvent de génération en génération, à l’abri des curiosités médiatiques et des fluctuations du marché traditionnel.
Le marché des îles privées obéit à ses propres règles, façonnées par des critères aussi poétiques que pragmatiques, incluant la surface, l’accessibilité, la présence d’un ponton, la qualité du bâti existant, selon Roselyne Bothorel, gérante de l’agence Demeures du littoral et vendeuse de cinq îles au cours de sa carrière, interrogée par Le Monde.
« On n’achète pas ce type de biens pour spéculer« , avertit d’emblée Erwann Goullin, entrepreneur cofondateur de 727 Sailbags, qui a acquis l’île de Cuhan en 2022 pour 2,5 millions d’euros, alors que la valeur des îles privées n’a cessé de stagner ces dernières années.
De nombreux défis et contraintes
Mais il ne suffit pas de posséder une île, il faut pouvoir l’entretenir. Erwann Goullin liste ainsi ses dépenses incompressibles : location annuelle du bateau électrique (6 000 euros), renouvellement de l’autorisation d’occupation du territoire maritime (5 000 euros) et entretien par des professionnels (8 000 euros).
De nombreux propriétaires optent donc pour la location saisonnière pour compenser ce qu’ils appellent pudiquement le « surcoût de l’insularité ». À ces charges financières s’ajoutent les défis juridiques, imposés par la loi sur le littoral.
Les travaux d’aménagement doivent respecter un cadre réglementaire strict, sans compter la prise en compte du dérèglement climatique.