Comment le patron de Nvidia déjoue le fisc américain
Jensen Huang se joue des impôts grâce à une manœuvre qui devrait permettre à l’heure actuelle à sa famille de retenir jusqu’à huit milliards de dollars en droits de succession au moment de sa mort.
Que représentent huit milliards de dollars pour une personne classée comme la dixième fortune mondiale avec un patrimoine estimé à 127 milliards de dollars ? Probablement beaucoup. Sinon Jensen Huang ne se donnera pas autant de mal pour empêcher que cet argent ne tombe dans les caisses de l’État.
Le fondateur de Nvidia, l’entreprise de conception des puces électroniques utilisées par les plus grands systèmes technologiques, dont l’intelligence artificielle (IA) notamment, serait passé maître dans l’art de l’optimisation fiscale à grande échelle, selon une récente enquête du New York Times (NYT).
« C’est un coup de maître« , a ainsi salué après examen de cette ingénierie pour le quotidien new-yorkais, Jonathan Blattmachr, un éminent avocat spécialisé dans les trusts et successions, décrivant par ailleurs « un travail remarquable ».
Au cœur de cette stratégie, figure l’impôt sur les successions. Autrement dit, un prélèvement effectué par l’État sur le patrimoine d’une personne décédée avant sa transmission aux héritiers.
Une subtile manœuvre de contournement
Son fonctionnement procède d’un prélèvement de 40% – le taux varie selon les pays – jusqu’à un certain seuil fixé à 27 millions de dollars, du patrimoine du défunt avant l’entrée en vigueur de la succession. Au-delà, les plus fortunés disposent de nombreux stratagèmes légaux pour minimiser cet impôt.
Jensen Huang a ainsi usé à partir de 2012, d’après des documents examinés par le NYT, à la fois de trusts sophistiqués, de montages financiers complexes, et même d’une fondation caritative, pour parvenir à cette fin.
Cette stratégie déployée avant qu’il ne soit connu aujourd’hui comme l’un des hommes les plus influents de la planète lui aura permis d’éviter le versement de huit milliards de dollars d’impôts à l’État par sa famille, à en croire les calculs du New York Times.
Une législation sans cesse affaiblie
Le cas de Huang illustre comment l’impôt américain sur les successions, censé limiter la concentration des richesses, a été progressivement vidé de sa substance. Alors qu’il devrait rapporter 120 milliards de dollars l’année dernière, seulement un quart de cette somme été effectivement collecté, indique le NYT.
Parallèlement, la richesse des Américains les plus riches a environ quadruplé. « Vous avez une armée de personnes brillantes et bien formées qui passent leurs journées, facturant 1 000 dollars de l’heure, à imaginer des moyens de contourner cet impôt« , explique Jack Bogdanski, professeur à la Lewis & Clark Law School et auteur d’un célèbre traité sur l’impôt sur les successions, interrogé par le journal.
Cette législation fiscale est d’autant plus fragilisée que l’IRS (Internal Revenue Service), l’agence fédérale chargée de la collecte des impôts, se voit amputer de ses moyens sous les coups de boutoir de certains politiques. Le taux de contrôle des déclarations de succession est ainsi passé de 20% dans les années 1990 à seulement 3% en 2020, à en croire le NYT.