Frank, la startup fantôme qui valait des millions
L’entreprise spécialisée dans le traitement des demandes de prêts étudiants aux États-Unis est accusée d’avoir berné JPMorgan quant au nombre réel de ses utilisateurs. Une affaire à 175 millions de dollars qui, paradoxalement, embarrasse davantage la victime présumée.
C’est une affaire qui révèle l’envers du décor dans le monde florissant de l’entrepreneuriat américain. Depuis le 18 février 2025, le tribunal fédéral de Manhattan est le théâtre d’un affrontement judiciaire entre Charlie Javice, jeune entrepreneure de 32 ans, et JPMorgan Chase, la plus grande banque américaine.
À l’origine du litige : des accusations de fraude portées par l’institution bancaire new-yorkaise contre la jeune femme et sa société « Frank ». Fondée en 2017, cette startup promettait d’aider les étudiants à compléter leurs demandes d’aides financières « en moins de quatre minutes ». Un concept qui a rapidement séduit les investisseurs du secteur financier technologique.
Cette réussite a propulsé Javice sous les projecteurs, lui valant une place dans la prestigieuse liste Forbes des « 30 Under 30 ». Entre 2017 et 2020, l’ancienne étudiante de la renommée Université de Pennsylvanie est devenue une habituée des plateaux de télévision, attirant l’attention de nombreuses institutions financières majeures.
Le piège se referme sur JPMorgan
Capital One, Discover et Citizens Bank ont toutes manifesté leur intérêt pour Frank. C’est finalement JPMorgan qui a conclu l’acquisition pour la somme de 175 millions de dollars en 2021, selon les faits reconstitués par le Wall Street Journal (WSJ).
Pour la banque présidée par Jamie Dimon, il s’agissait d’une affaire en or. Elle a en effet vu à travers les utilisateurs de l’entreprise – qui en revendiquait quatre millions –, de futurs jeunes professionnels susceptibles d’être convertis tôt dans leur vie en clients fidèles pour les services bancaires, les cartes de crédit et d’autres services financiers.
Sauf que le nombre de personnes possédant des comptes Frank était en réalité plus proche de 300 000. Soit un nombre plus de dix fois moindre que celui vanté par Charlie Javice pour convaincre JPMorgan de conclure le deal.
Une faille invraisemblable
Quelques jours avant la cession de la Fintech, la dirigeante aurait en effet engagé les services d’un professeur associé de mathématiques au Queens College – après un premier refus de la part d’un collaborateur interne – dans le but de gonfler artificiellement le nombre de clients de la plateforme.
À l’aide d’un programme informatique, l’intéressé a créé des millions de noms et numéros de téléphone fictifs basés sur un « fichier source » contenant les 300 000 véritables comptes de Frank. Mais comment JPMorgan, une banque réputée à cheval sur la transparence a-t-elle pu se faire autant avoir ? C’est l’une des intrigues du procès en cours alors chaque camp accuse l’autre de malhonnêteté.
Pour les avocats de Charlie, l’acquéreur qui était au courant du contenu exact de la base de données, a voulu revenir sur l’accord, après s’être rendu compte de l’obsolescence du produit due au changement des règles pour les demandes d’aide étudiantes par l’administration américaine.